DUVERT (Tony).
Un anneau d'argent à l'oreille.
Paris, Éditions de Minuit, 1982.
In-12 (115 x 180 mm.) broché, 157 p., couverture partiellement insolée.
Article de Michel Nuridsany :
Un anneau d’argent à
l’oreille, roman tout à fait singulier signé Tony Duvert (prix Médicis 73
pour Paysage de fantaisie) que l'on s'accorde à considérer comme l'un des
meilleurs écrivains de sa génération. C’est là un roman choquant à certains
égards mais il faut aller au-delà, s'engager à la découverte de Tony Duvet.
C’est un écrivain de race.
Le livre s'ouvre sur la mort du grand-père, le
célèbre psychiatre Brisset. Et comme il s'agit à l'évidence d’un meurtre, il y a
enquête. Étant donné le contexte, la clientèle du bonhomme, les grands
personnages de la politique et de l'église qu’il reçoit dans son cabinet,
celle-ci s'avère longue, difficile et délicate. À la fin tout de même on
découvrira les coupables. Tony Duvert, qui depuis quelque temps semble
s’attacher à toucher un plus large public, après Quand mourut Jonathan,
après L'Île atlantique aurait-il écrit là un roman policier ? Oui si
Les Gommes en est un. Non autrement. Alors disons qu'ici la trame
policière ne fait qu'ajouter à la dérision d’un récit conçu comme un jeu de
massacre.
Vivant à Neuilly, un enfant de huit ans, « crevant de beauté
comme une idole », Marc, règne sur sa famille comme une « divinité domestique
ombrageuse ». Autour de lui s'agite, sûr de son droit et de son impunité, le
petit monde de la grande bourgeoisie aussi sinistre que dans les romans de
Mauriac mais mis en scène avec une causticité, une verve grinçante, une
allégresse noire qui n'appartiennent qu’à Tony Duvet. Il y a dans ce roman une
vigueur qui faisait aussi tout le prix du Bon sexe illustré, livre paru
en 1974, que l'on peut dire « scandaleux » mais qui m'a frappé, à la relecture,
aujourd'hui, par son entêtante exigence à la fois dure et extraordinairement
tendre. Tendre pour la prime enfance pour laquelle Tony Duvert revendique
autonomie et liberté, dur pour le reste de l’humanité.
C’est cette même
exigence qui sous-tend le livre que voici et lui donne, au-delà du mordant du
style, sa force. On sait, on sent que seuls les enfants de moins de huit ans
intéressent l’auteur. Le reste n'est, dans sa quasi-totalité, qu'un magma
conventionnel (et plus encore que les autres peut-être ceux qui affectent le
plus grand libéralisme), généralement monstrueux de bêtise et de suffisance
satisfaite, dont il faut se méfier, contre lequel on se bat, on se protège, ou
dont on se moque. Et Dieu sait si l'on se moque dans ce roman souvent très drôle
où tous les personnages sauf un (le petit Marc) sont ridicules, parfois même
franchement grotesques. Pas toujours immédiatement odieux mais, si l'on gratte
un peu le vernis, l'être se révèle vite dans son ignominie plus ou moins
policée. L'ironie détachée avec laquelle Tony Duvert fait s'agiter tout ce beau
monde ajoute à l'impression d'irréalité que revêt la réalité telle qu’il a
choisi de nous la montrer.
En fait tout le livre baigne dans un climat
d'étrangeté presque onirique comme son premier livre Récidive. Mais ici
la psychologie la plus fine s'y entrecroise avec la loufoquerie la plus
débridée, comme si rien n'avait vraiment d'importance, comme si la vraie vie, la
réalité étaient ailleurs. Du côté du territoire de l'enfance
exclusivement.
Ce livre, férocement enjoué, marque un tournant dans
l'œuvre déjà importante d’un écrivain qui n'accorde presque jamais d'interview
et dont on ne sait rien si ce n'est qu’il vit assez retiré, exclusivement de sa
plume, c’est-à-dire plus que modestement et qu’il n'existe aucune étude sur lui
même dans la revue Critique pourtant proche des Éditions de
Minuit.
Espérons que ce roman, tout de même assez scandaleux, mais drôle,
brillant et subtil permettra au large public qu’il vise (sans pour autant
s'abaisser à le caresser dans le sens du poil) de découvrir le reste de sa
production et surtout Récidive (1967) peut-être son plus beau livre,
Portrait d'homme couteau (1969), Paysage de fantaisie (1973), sans
oublier Le Bon sexe illustré passionnant mais à lire avec pas mal de
résistance. Comme tout Duvet d'ailleurs. À lire aussi avec beaucoup d'ouverture
d'esprit car voici une littérature totalement risquée et qui s'avance à
découvert, sans protection, dans son agressive
vulnérabilité.
Bibliographie :
- Nuridsany (Michel), Tony
Duvert : une sombre allégresse, dans Le Figaro, 30 avril
1982.
7 euros (code de commande : 00155).
Si vous souhaitez obtenir d'autres informations n'hésitez à pas à me questionner (b.waterlot@hotmail.com).
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